Mille dollars pour décrypter un ADN. En quelques heures! En 2014, le marché du séquençage et des tests génétiques pèse déjà 20 milliards de dollars avec des applications en médecine personnalisée qui ne cessent de s’étendre - dépistage de maladies héréditaires, profilage des tumeurs, recherche d’ancêtres... Voyage à la croisée de la science, du business et de l’éthique.
«In the future, your DNA will be your data. »
« A l’avenir, votre ADN sera vos données. » Depuis deux ans, ce slogan
de la banque HSBC accompagne les passagers dans les aéroports de monde
entier. Au-dessous du slogan, la photo d’un index dont l’empreinte
digitale a été remplacée par un code-barres en deux dimensions (ou QR
code) qui peut être scanné au moyen d’un smartphone. Un scénario
futuriste ? Au contraire ! Après quelques jours passés à San Diego,
l’une des capitales américaines des sciences de la vie, cette publicité
paraît presque désuète au voyageur. Car ici, l’ADN est une donnée comme
les autres : on la décrypte, on l’analyse, on la partage, et, bien sûr,
on la vend.
Ce
qui était inimaginable il y a quelques années est devenu réalité grâce à
l’effondrement spectaculaire du coût du séquençage. En 2014, on peut
décrypter un génome humain pour 1 000 dollars (760 euros), contre 100
millions de dollars il y a une décennie. Mieux, quelques heures
suffisent pour lire les milliards de « lettres » qui constituent notre
patrimoine génétique et qui sont en quelque sorte le mode d’emploi de
notre corps. Que nous révèle cette succession de A, T, C, et G, ces
lettres qui s’assemblent par paires pour tricoter l’ADN ?
Permettent-elles de prédire notre avenir ? La génétique est-elle la
médecine du XXIe siècle ?
Alors que les scientifiques esquissent à
peine les premières réponses, start-up et grands labos sont dans les
starting-blocks. En 2014, le marché du séquençage et des tests
génétiques pèse déjà 20 milliards de dollars avec des applications qui
ne cessent de s’étendre. Dépistage de maladies héréditaires, profilage
des tumeurs, recherche d’ancêtre, identification d’un criminel : l’ADN
est partout le nerf de la guerre. Voyage au coeur de ce monde à la
croisée de la science, du business et de l’éthique.
« Google de l’ADN »
Le point de départ se trouve sur la Côte ouest des Etats-Unis.
Nous sommes à La Jolla, le coeur scientifique de San Diego. Ici, le
géant des télécommunications Qualcomm côtoie
de prestigieux centres de recherche comme le Salk Institute, et les
start-up se bousculent pour louer quelques précieux mètres carrés sous
les pins et les embruns du Pacifique. C’est là qu’est né il y a quinze
ans Illumina.
Inconnue du grand public, cette société est le leader mondial du
séquençage : ses robots ultrasophistiqués équipent les labos du monde
entier, ses tests génétiques ont conquis les médecins aux Etats-Unis. Ce
petit empire pèse déjà 25 milliards en Bourse, pour un chiffre
d’affaires de 1,4 milliard de dollars en 2013.
Et ce n’est qu’un début pour ce « Google de l’ADN ». En janvier, Illumina a lancé une toute nouvelle machine baptisée HiSeq X Ten,
capable de décrypter un génome en moins de vingt-quatre heures pour un
coût unitaire inférieur à 1 000 dollars. Cette technologie permettra de
passer au crible des populations entières afin d’identifier les
composantes génétiques de maladies comme le cancer. Une mine d’or pour
les chercheurs et les groupes pharmaceutiques !
Fin août, Illumina
a ainsi annoncé avoir signé des accords avec le laboratoire
pharmaceutique français Sanofi, le britannique AstraZeneca et
l’américain Johnson & Johnson. Objectif : développer un test unique
permettant de renseigner le médecin sur le profil génétique de la tumeur
et l’aider à choisir le meilleur cocktail de médicaments. A ce jour,
125 gènes pouvant avoir un rôle dans la genèse ou le développement des
cancers ont été identifiés. « Le nombre de thérapies ciblées est encore
limité, mais la majorité des 800 anticancéreux actuellement en
développement visent des mutations spécifiques. Il y aura donc une
demande croissante pour des tests de diagnostics adaptés », a expliqué
Illumina.
Autre
champ prometteur pour les géants de la pharmacie : la
pharmacogénomique. Aujourd’hui, de nombreux médicaments sont rejetés par
les autorités de santé en raison du manque d’efficacité ou des effets
secondaires constatés chez des patients. Or, cette variabilité de la
réponse s’explique parfois par le profil génétique des patients. Si
l’industriel découvre ce lien et met au point un test qui permet de «
trier » les patients, il pourra décrocher une autorisation de mise sur
le marché qui lui aurait été refusée sans cela.
Médecine «sur mesure»
Revers de la médaille, certains médicaments largement prescrits,
comme les statines (utilisées couramment pour traiter l’excès de
cholestérol), pourraient voir leur indication restreinte. « Chez un
patient sur deux cents, leur consommation induit du diabète », constate Eric Topol,
l’une des stars de la génétique aux Etats-Unis et professeur au très
prestigieux Scripps Research Institute de San Diego. « A l’échelle des
Etats-Unis, où environ 20 millions de personnes consomment des statines,
cela représente 100 000 cas de diabète induits. La génétique nous
permettrait d’identifier ces patients à risque, mais les laboratoires ne
font rien ! », s’agace-t-il.
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