samedi 30 août 2014

Comment la Cour de justice enterre les affaires




Depuis trois longues années, la commission d’instruction de la CJR se hâte lentement de traiter les dossiers Lagarde et Woerth, les deux seuls dont elle est saisie. De fait, depuis sa création en 1994, et jusqu’à la mise en examen a minima de Christine Lagarde ce mardi, la CJR a toujours servi à protéger les politiques. Explications.


« La Cour de justice de la République a été conçue pour ne pas fonctionner. » Ce jugement sans appel est émis par un haut magistrat qui a siégé à la Cour de justice de la République (CJR), et il est partagé (en privé) par nombre de ses collègues. Ce n’est pas le dernier événement en date, la mise en examen a minima de Christine Lagarde, ce mardi, dans l’affaire Tapie, malgré un dossier très lourd, qui risquerait de modifier cette analyse. Pas plus que la dernière audition, toujours sous le statut hybride de témoin assisté (et non pas de mis en examen), d’Éric Woerth, ce jeudi, dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne.


Depuis trois longues années, la commission d’instruction de la CJR, composée de trois magistrats issus de la Cour de cassation, se hâte lentement de traiter les dossiers Lagarde et Woerth, les deux seuls dont elle est saisie. À la manière d’un juge d’instruction, elle procède à des auditions, mais sur un mode très policé et à un rythme paisible, dans les locaux feutrés et confortable de la CJR, un bel hôtel particulier (818 m2), rue de Constantine, sur l’esplanade des Invalides.

Il s'agit là de discussions entre gens bien élevés – Mediapart a pu en prendre connaissance –, qui n’ont rien à voir avec les interrogatoires serrés de suspects auxquels procèdent les policiers au cours des gardes à vue. Les magistrats de la CJR sont souvent en fin de carrière, et ne passent pas pour être féroces.

En règle générale, la commission d’instruction vérifie et reprend soigneusement tout le dossier qui lui a été soumis, avec un luxe de précautions. Elle peut déléguer des actes d’enquête à la police, mais ses investigations dépendent aussi, pour partie, de l’instruction menée parallèlement sur le volet non-ministériel du même dossier, et qui est confiée à d’autres magistrats. Ceux-ci et ceux-là échangent procès-verbaux et documents…, mais n’en font pas toujours la même lecture.

On peut constater cet hiatus dans l’affaire Tapie-Lagarde : les juges d’instruction Serge Tournaire, Guillaume Daïeff et Claire Thépaut, du pôle financier de Paris – pourtant bien plus surchargés en dossiers que la CJR –, n’ont pas hésité à mettre en examen Bernard Tapie, Stéphane Richard, Maurice Lantourne et Pierre Estoup pour « escroquerie en bande organisée », un délit grave, passible de dix ans de prison et un million d’euros d’amende. Alors que l'ex-ministre de l'économie Christine Lagarde, dont plusieurs éléments factuels (lire nos articles ici, et encore ) attestent qu’elle a favorisé une solution favorable à Tapie au détriment des intérêts de l’État, s’en tire finalement avec une petite mise en examen pour « négligence », un délit non intentionnel, passible d’un an de prison et 15 000 euros d’amende.


Eric Woerth 
 

Autre souci : ces deux enquêtes parallèles et interdépendantes peuvent se ralentir mutuellement. Ainsi, le peu d‘empressement mis par les juges Roger Le Loire et René Grouman, du pôle financier de Paris, à instruire le volet non ministériel de l’affaire de Compiègne, dans laquelle aucune mise en examen n’a été prononcée à ce jour, explique certainement le sort plutôt favorable réservé jusqu’ici à Éric Woerth à la CJR. Malgré un rapport d’expert en tout point accablant (révélé par Mediapart), qui a prouvé que les terrains forestiers et l’hippodrome de Compiègne ont été bradés par le ministre du budget, et cela au mépris des procédures en vigueur, comme l’ont confirmé les auditions des anciens ministres Hervé Gaymard et Bruno Le Maire.

 Lire la suite ... Ici (abonnement requis)







LE WERWOLF



Mediapart :: Lien

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire