Depuis trois longues années, la commission d’instruction de la CJR se hâte lentement de traiter les dossiers Lagarde et Woerth, les deux seuls dont elle est saisie. De fait, depuis sa création en 1994, et jusqu’à la mise en examen a minima de Christine Lagarde ce mardi, la CJR a toujours servi à protéger les politiques. Explications.
« La Cour de justice de la République a été conçue pour ne pas fonctionner. »
Ce jugement sans appel est émis par un haut magistrat qui a siégé à la
Cour de justice de la République (CJR), et il est partagé (en privé) par
nombre de ses collègues. Ce n’est pas le dernier événement en date, la mise en examen a minima de Christine Lagarde,
ce mardi, dans l’affaire Tapie, malgré un dossier très lourd, qui
risquerait de modifier cette analyse. Pas plus que la dernière audition,
toujours sous le statut hybride de témoin assisté (et non pas de mis en
examen), d’Éric Woerth, ce jeudi, dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne.
Depuis trois longues années, la commission d’instruction de la CJR, composée de trois magistrats issus de la Cour de cassation,
se hâte lentement de traiter les dossiers Lagarde et Woerth, les deux
seuls dont elle est saisie. À la manière d’un juge d’instruction, elle
procède à des auditions, mais sur un mode très policé et à un rythme
paisible, dans les locaux feutrés et confortable de la CJR, un bel hôtel
particulier (818 m2), rue de Constantine, sur l’esplanade des Invalides.
Il s'agit là de discussions entre gens bien élevés – Mediapart a pu
en prendre connaissance –, qui n’ont rien à voir avec les
interrogatoires serrés de suspects auxquels procèdent les policiers au
cours des gardes à vue. Les magistrats de la CJR sont souvent en fin de
carrière, et ne passent pas pour être féroces.
En règle générale, la commission d’instruction vérifie et reprend
soigneusement tout le dossier qui lui a été soumis, avec un luxe de
précautions. Elle peut déléguer des actes d’enquête à la police, mais
ses investigations dépendent aussi, pour partie, de l’instruction menée
parallèlement sur le volet non-ministériel du même dossier, et qui est
confiée à d’autres magistrats. Ceux-ci et ceux-là échangent
procès-verbaux et documents…, mais n’en font pas toujours la même
lecture.
On peut constater cet hiatus dans l’affaire Tapie-Lagarde : les juges
d’instruction Serge Tournaire, Guillaume Daïeff et Claire Thépaut, du
pôle financier de Paris – pourtant bien plus surchargés en dossiers que
la CJR –, n’ont pas hésité à mettre en examen Bernard Tapie, Stéphane
Richard, Maurice Lantourne et Pierre Estoup pour « escroquerie en bande
organisée », un délit grave, passible de dix ans de prison et un million
d’euros d’amende. Alors que l'ex-ministre de l'économie Christine
Lagarde, dont plusieurs éléments factuels (lire nos articles ici, là et encore là)
attestent qu’elle a favorisé une solution favorable à Tapie au
détriment des intérêts de l’État, s’en tire finalement avec une petite
mise en examen pour « négligence », un délit non intentionnel, passible d’un an de prison et 15 000 euros d’amende.
Autre souci : ces deux enquêtes parallèles et interdépendantes
peuvent se ralentir mutuellement. Ainsi, le peu d‘empressement mis par
les juges Roger Le Loire et René Grouman, du pôle financier de Paris, à
instruire le volet non ministériel de l’affaire de Compiègne, dans
laquelle aucune mise en examen n’a été prononcée à ce jour, explique
certainement le sort plutôt favorable réservé jusqu’ici à Éric Woerth à
la CJR. Malgré un rapport d’expert en tout point accablant (révélé par Mediapart),
qui a prouvé que les terrains forestiers et l’hippodrome de Compiègne
ont été bradés par le ministre du budget, et cela au mépris des
procédures en vigueur, comme l’ont confirmé les auditions des anciens
ministres Hervé Gaymard et Bruno Le Maire.
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