lundi 29 septembre 2014

Hépatite C : tollé autour du prix d’un cachet miracle





Virus. Le labo Gilead, qui vend le Sovaldi, est la cible des associations.


Pierre Chirac est un homme sérieux. Longtemps militant à Médecins sans Frontières, aujourd’hui vice-président de Prescrire, cette revue médicale qui pourfend les errances de l’industrie pharmaceutique, il s’est livré la semaine passée, lors d’un débat (1) autour des nouveaux traitements sur l’hépatite C, à un décryptage saisissant de la stratégie du laboratoire Gilead. Le labo qui commercialise un nouveau médicament, le Sovaldi qui guérit de l’infection au virus de l’hépatite C. Molécule qui défraie la chronique par son prix : 1 000 dollars (environ 765 euros) le cachet que le patient doit prendre chaque jour.

Cirrhose. Petit rappel, l’hépatite C touche 15 millions de personnes dans le monde, près de 200 000 en France : sur près de deux personnes sur trois, l’infection va provoquer une cirrhose. Depuis quinze ans, des traitements sont apparus, permettant une fois sur deux une guérison, mais ils sont très lourds. Ils s’étalent sur un an et provoquent des effets secondaires redoutables (dépression, épuisement). Or, depuis peu, est apparue une nouvelle classe de médicaments, sans effets secondaires, se prenant sur douze semaines, et aboutissant à des résultats miraculeux : plus de 90% de guérison complète. Le Sovaldi de Gilead est le fer de lance de ces nouveaux traitements. «C’est une vraie révolution», qualifie Maxime Journiac, activiste au TRT5 (association de recherche qui regroupe les associations de lutte contre le sida).

Mais voilà, à quel prix ? Pierre Chirac décortique l’histoire autour de quelques chiffres. 1 000, comme mille dollars le prix du cachet. «Pourquoi 1 000 ?» interroge Pierre Chirac. «Il n’y a aucune raison, car à la production il revient à 5 euros. Mais comme on dit, la santé n’a pas de prix.» Et c’est ainsi que sans aucune justification économique, le traitement a été fixé au coût pharamineux de 84 000 dollars. Le labo se justifie en évoquant des économies à venir pour la collectivité, avec moins de greffes de foie, etc.

«Un argument qui ne tient pas la route, répond Pierre Chirac, ce prix n’est que la résultante d’un coup financier et d’une recherche du maximum d’argent, et tout de suite.» Exagérations ? Pas si sûr, aux yeux de Pierre Chirac. «Le Sovaldi a été mis au point par une toute petite start-up, Pharmasset, spécialisée dans la mise au point de nouvelles molécules. En 2006, le prix de l’action de Pharmasset était de 9 dollars.» Or cinq ans plus tard, Gilead rachète la start-up, au prix de 139 dollars l’action. Soit un total de 11 milliards de dollars. «Gilead aurait pu acheter Pharmasset au prix de 300 000 dollars en 2004. Et bien non, il l’a racheté 11 milliards de dollars.» Dans cette affaire, «quelqu’un a fait une énorme erreur», ironise le PDG de Pharmasset, qui a gagné dans l’affaire 255 millions de dollars. Et il note, goguenard : «Les médicaments ont un effet secondaire intéressant, ils vous rendent riches.»

En raison de son coût, en France, le médicament n’est disponible qu’en ATU (autorisation temporaire d’utilisation) et pour certains malades seulement, les plus avancés. Depuis quelques semaines, des discussions tendues ont lieu entre le Comité économique des produits de santé (organisme seul habilité à fixer le prix) et le labo, pour arriver à faire baisser drastiquement le prix. Mais y arrivera-t-on ? «Cette affaire est particulièrement choquante, analyse Pierre Chirac, et inquiétante, car ce n’est pas le seul exemple. Dans les cancers, les maladies chroniques, les prix des médicaments sont eux aussi de plus en plus élevés. On nous raconte que si les prix s’envolent, c’est à cause du coût de la recherche. C’est faux, c’est uniquement pour payer une incroyable dérive boursière.»

Licence obligatoire. Pour le vice-président de Prescrire, comme pour tout un collectif d’associations, «il faut sortir de cette spirale mortifère».«Sans de nouvelles règles du jeu, les spéculateurs resteront les seuls décideurs de la recherche en santé.» Mais comment résister ? Les pouvoirs publics pourraient décider de «délivrer une licence obligatoire» : en clair, pour des raisons de santé publique, ils autorisent alors un tiers à fabriquer le produit breveté ou à utiliser le procédé breveté sans le consentement du titulaire du brevet. Chiche ! A l’heure où les derniers chiffres de l’assurance maladie pointent un déficit accru, cela s’impose.

(1) organisé au Havre par Médecins du Monde.
é.F.
 
 

 


 
 

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