Une direction modérée couplée à un discours musclé sur « l’islamisation » aident la faction d’extrême-droite à gagner en popularité
De la fenêtre de son appartement parisien, Michel Ciardi peut entrevoir
la salle d’attente d’un organisme d’allocations, où une foule
majoritairement arabe et africaine attend ses chèques du gouvernement.
Ancien communiste, Ciardi pensait que la scène
à l’agence entrait dans le cadre des efforts français pour aider à
intégrer les nouveaux immigrants.
Mais tout a changé en 2000, après une
augmentation massive de la violence antisémite, en grande partie initiée
par des immigrants arabes et africains, dans le sillage de la deuxième
Intifada palestinienne.
Ces actes de violence ont suffit pour le faire
virer de camp politique et choisir le Front national, parti
d’extrême-droite longtemps vu par les Juifs français comme antisémite et
comme étant une menace pour les valeurs républicaines.
« Je n’avais jamais envisagé de voter Front
national », a confié Ciardi au JTA. « Mais j’ai compris que nous devons
nous protéger, nous, notre communauté, notre société et notre pays, de
ceux qui cherchent à nous soumettre. »
Le judaïsme français a longtemps considéré le
Front national comme un ennemi, tel un vestige abominable de l’Etat
pronazi de Vichy. Mais sous la direction de Marine Le Pen, la fille
photogénique du fondateur du parti Jean-Marie Le Pen – politicien
provocateur condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine et
négationnisme – le parti essaie de se débarrasser de son image
résolument diabolique.
La plus jeune Le Pen a agressivement courtisé
les électeurs juifs, mettant l’accent sur son opposition à «
l’islamisation de la France » et prônant que les Juifs ont beaucoup plus
à craindre de l’antisémitisme arabe que de la rhétorique raciste de
certains militants d’extrême-droite.
Sa stratégie semble – hélas – fonctionner.
Une récente enquête sur 095 Juifs a montré
que le Front national a plus que doublé sa part du vote juif aux
élections présidentielles de 2012, gagnant 13, % du soutien juif – une
constatation qui a tiré la sonnette d’alarme parmi les leaders des
principaux groupes juifs de France.
« Les riches patrons communautaires et les
étudiants des grandes universités ne comprennent pas ce qui se passe
parce qu’ils ne vivent pas avec les musulmans dans les quartiers
travailleurs », explique Ciardi.
« Il y a des Juifs qui ne se rendent pas
compte que les politiques d’immigration et de rectitude politique des
derniers gouvernements ont créé une réalité où ils ne peuvent porter
leur kippah à l’extérieur. »
Marine Le Pen a pris la direction du Front
national en 2011, remplaçant son père. Il dirigeait le parti avec son
adjoint, Bruno Gollnisch, également reconnu coupable de négationnisme,
décision pourtant rejetée par une cour supérieure.
Ensemble, ils paraissaient heureux de faire du Front national la bête noire de l’establishment politique.
Depuis qu’elle a pris la tête de la faction,
Le Pen fille s’attelle à rehausser sa respectabilité, à un niveau jamais
atteint sous la houlette de son père, dont le racisme souvent émoussé a
coûté au Front national des voix et maintenu son statut de mouvement
isolé.
Après avoir assuré la direction du parti,
Marine Le Pen a démis Gollnisch de ses fonctions au Parlement européen,
le faisant déclarer : elle « souhaite que nous retrouvions, son père et
moi, une certaine virginité » – une expression considérée par les
experts comme un euphémisme pour dire « impuissance ».
Marine Le Pen a maintes fois condamné
l’antisémitisme et même puni un responsable du parti pour ses
déclarations antisémites. En 2011, elle a envoyé son compagnon et
vice-président du Front national Louis Alliot en mission pour construire
des ponts en Israël.
« Le fait que Marine Le Pen fasse prendre au
parti une direction plus modérée est un facteur important pour de
nombreux juifs », déclare Gilles Goldnadel, éminent avocat et ancien
membre du conseil d’administration du CRIF, organisation des communautés
juives de France.
« Aujourd’hui, en France, l’islamo-gauchisme
constitue un danger plus grand que celui de l’extrême droite. Il n’est
pas surprenant que certains Juifs, comme certains non-Juifs », votent
pour l’extrême droite en réaction à cette menace, poursuit-il.
Sous Marine Le Pen, les responsables du parti
courtisent pour la première fois les votes des Juifs de l’Hexagone, en
adressant des lettres à leurs communautés. Une telle lettre a été
envoyée ce mois-ci par Julien Leonardelli, secrétaire régional du parti
de la région de Toulouse, au centre communautaire juif local attaqué
quelques mois plus tôt par des bombes incendiaires.
Leonardelli fait part de sa « grave
préoccupation face à l’augmentation des agressions antisémites en
France », qui, selon lui sont le résultat des politiques d’immigration
irresponsables du PS et de l’UMP, parti de l’ancien président Nicolas
Sarkozy.
« En tant que représentant du Front national
et porte-parole de Marine Le Pen, je vous exprime ma profonde
indignation devant ces actes et garantit à tous nos compatriotes juifs
notre plein soutien dans la lutte contre toutes les formes
d’antisémitisme, » écrit Leonardelli.
Au sein du parti, ces efforts ont déclenché
une réaction de la vieille garde, y compris du père Le Pen et de
Gollnisch, qui a écrit un blog de 700 mots au début du mois, en
réaction au sondage IFOP, dans lequel il déplore que le parti dévie de
l’idéologie instaurée par ses fondateurs.
Après que Le Pen a retiré le blog de son père
du site du parti, dans lequel il écrit qu’un chanteur juif doit être
« mis dans un four », ce dernier a accusé sa fille de se recroqueviller
avant « les hordes sanguinaires constamment en quête d’antisémitisme ».
« Elle est critiquée en interne au sein du
Front national pour ses choix car il y a encore un élément antisémite
négationniste au sein du parti », précise Ciardi.
Avec les Juifs qui représentent moins d’ % de
la population française, le soutien de certains d’entre eux reste
négligeable en termes électoraux.
Mais le sondage IFOP
a défrayé la chronique, car il est considéré comme un indicateur
inquiétant qu’un parti autrefois boudé par le grand public gagne du
terrain.
« Le fameux plafond de verre qui empêchait le
Front nationalde devenir un parti majoritaire est en train de
sérieusement se fissurer », a déclaré au Figaro Valérie Igounet, une historienne spécialisée dans l’extrême droite française.
Parmi les dirigeants juifs, le parti reste inadmissible.
Le président du CRIF Roger Cukierman a
récemment déclaré à la station de radio juive RCJ que les prétentions de
non-antisémitisme de Le Pen sont prononcées « du bout des lèvres » car
le parti recèle encore des négationnistes et des antisémites dans ses
rangs.
Pourtant, il félicite Le Pen de « prendre soin de ne pas offenser notre communauté et de faire un pas dans la bonne direction ».
LE WERWOLF
The Times of Israël :: Lien
Repéré par : Le Vieux Loup
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