On pourrait résumer ainsi le discours du président américain Barack
Obama diffusé récemment sur internet: "Les USA vont bombarder le
territoire syrien sans consulter Damas, parce qu'on ne peut pas faire
autrement". La situation frise en fait l'absurde car les frappes
aériennes américaines viseront justement des ennemis qui sont en premier
lieu ceux du président syrien Bachar al-Assad, et seulement après ceux
de Barack Obama et d'autres pays.
Mais en effet, Obama peut difficilement reconnaître devant le monde
entier que les USA se retrouvent de fait alliés avec la Syrie et, par
extenstion, indirectement avec l'Iran. Ce discours du président
américain jette ainsi la lumière sur la plus grande faiblesse
idéologique de l'Amérique, qui estime avoir le droit de faire tout ce
que bon lui semble mais ne dit pas à voix haute des choses évidentes.
L'ennemi de mon ennemi n'est pas mon ami
Dans le texte intégral du discours présidentiel on peut trouver tout
ce qu'on veut, sauf la réponse à cette question: quelles sont les causes
de cette guerre qui a déjà entraîné la prise de vastes territoires
irakiens par l'armée extrémiste de l'Etat islamique (EI) ?
Ce sont bien les amis et alliés des Américains – l'Arabie saoudite,
le Qatar et d'autres monarchies du Moyen-Orient - qui ont déclenché ce
processus. D'abord par l'incitation aux révolutions à travers toute la
région, qui ont été suivies de coups d'Etat et de guerres. Dans cette
affaire les USA participaient d'abord mollement, sans désir, puis les
monarchies ont commencé à les impliquer dans une véritable guerre,
notamment contre la Syrie qu'elles haïssaient tant. Aujourd'hui, la
situation dans la région est devenue très compliquée car ceux qui
encourageaient les coups d'Etat se sont brouillés entre eux… mais rien
de tout cela n'est dit à voix haute par Obama. Il a un autre problème.
Le fait est que la création sur le territoire de deux Etats – l'Irak et la Syrie – d'un Etat terroriste, où des musulmans d'Europe et même des USA se rendent comme pour un safari, est intolérable. Les Etats-Unis étaient tout simplement obligés de soutenir le gouvernement irakien avec des frappes aériennes, éloignant un peu le front de la capitale. Mais l'EI est basé en Syrie, sur le territoire d'un autre Etat souverain d'où les terroristes ont précisément débarqué en Irak après avoir échoué à vaincre le gouvernement d'Assad. Et si on ne pouvait pas atteindre ces terroristes là, en Syrie, il serait impossible vaincre ce mouvement.
Le fait est que la création sur le territoire de deux Etats – l'Irak et la Syrie – d'un Etat terroriste, où des musulmans d'Europe et même des USA se rendent comme pour un safari, est intolérable. Les Etats-Unis étaient tout simplement obligés de soutenir le gouvernement irakien avec des frappes aériennes, éloignant un peu le front de la capitale. Mais l'EI est basé en Syrie, sur le territoire d'un autre Etat souverain d'où les terroristes ont précisément débarqué en Irak après avoir échoué à vaincre le gouvernement d'Assad. Et si on ne pouvait pas atteindre ces terroristes là, en Syrie, il serait impossible vaincre ce mouvement.
Les experts écrivent depuis des mois que l'Amérique est dans une
situation absurde. L'ennemi de son ennemi s'est avéré être, lui aussi,
son ennemi. Une véritable alliance militaire se dessine entre les USA,
d'une part, et la Syrie et l'Iran de l'autre. Ces deux derniers étant
des cibles de toute l'opération des anciens amis des USA, les
monarchies du Moyen-Orient, appelée "Printemps arabe". Alors pourquoi ne
pas reconnaître que telle est notre nouvelle réalité – nous,
l'Amérique, sommes désormais amis avec Téhéran et Damas parce que nous
devons faire face à une menace commune vraiment terrible ?
Non - il semble plus simple pour Obama de bombarder le territoire
d'un Etat souverain plutôt que de briser des modèles idéologiques qu'il
n'a même pas créés lui-même.
Y a-t-il quelqu'un au-delà des Etats-Unis?
Le plus intéressant dans le discours de M.Obama est ce qu'il a évité
habilement de dire, notamment sur la Syrie: "Dans cette guerre nous ne
pouvons pas compter sur le régime d'Assad, qui fait régner la terreur
sur son peuple. Ce régime ne retrouvera jamais sa légitimité perdue". Et
c'est tout, en fait.
Mais au fait, qui subit la terreur d'Assad? Précisément l'EI, qui
s'est d'abord emparé des deux tiers du pays en y commettant les mêmes
atrocités qu'aujourd'hui en Irak, puis a été repoussé au nord-est d'où,
étant dans l'incapacité de prendre Damas, il a mis le cap sur l'Irak.
Dans son discours, Obama a déclaré qu'il aiderait "une force tierce"
en Syrie qui pourrait s'imposer face à tout le monde, aussi bien Assad
que l'EI. Comme si les USA ne les aidaient pas déjà. En réalité,
l'Amérique n'a pas aujourd'hui la tête à la Syrie. Ils veulent bombarder
l'EI sur le territoire syrien, aidant ainsi Assad à reprendre les
territoires que l'organisation occupe? De toute façon, ce sera seulement
pour demain - et d'ici-là on trouvera bien quelque chose. Si l'occasion
de renverser le gouvernement de Damas se présentait, il serait
renversé.
En fait, il aurait simplement suffit de faire preuve de respect pour
le droit international et de téléphoner à Assad pour lui demander:
"Pouvons-nous éliminer votre ennemi sur votre territoire?" Il n'aurait
certainement pas été contre.
En fait, le droit international et le concept de souveraineté sont
pratiquement absents de l'allocution d'Obama. Sans parler de la
légitimité du gouvernement syrien. Après tout, ce n'est pas Washington
qui décide qui est légitime ou non. Plus tard bien évidemment, quelque
part à l'Onu, l'Amérique dira quelque chose pour la forme. Voire ne dira
rien du tout.
Mais dans ce cas, qu'avons-nous au final? Admettons que la Russie
n'apprécie pas l'Uruguay -elle n'a en réalité absolument rien contre ce
pays, au contraire, mais c'est juste à titre d'exemple. Imaginons qu'une
bande s'empare d'une partie du territoire uruguayen et pénètre au
Brésil. La Russie veut aider le Brésil et commence à bombarder l'Uruguay
tout en disant que son gouvernement n'est pas légitime et qu'elle fait
ce qu'elle veut. D'ailleurs, pourquoi seulement la Russie? N'importe qui
peut bombarder n'importe qui: Obama l'a autorisé. Après tout, le droit
international est le même pour tout le monde.
Le président américain n'est pas le seul à omettre l'aspect juridique
de l'affaire: la plupart des Américains le font. Dans les premières
réactions à son discours, on ne trouve pratiquement aucune réflexion à
ce sujet.
Voici la "consultation juridique" du Washington Post, dont l'expert
n'analyse qu'un seul thème – Obama a-t-il ou non le droit d'effectuer
des raids sur le territoire syrien, tout en annonçant qu'il n'a pas à
demander l'autorisation du Congrès dans ces circonstances. Il n'est donc
bien question que d'une chose: l'autorisation de le faire! L'expert
trouve même des arguments en faveur d'Obama: un acte du Congrès de 2002
signé avant la guerre en Irak à l'époque de Bush, qu'il analyse
minutieusement - on n'y trouve pas un mot sur le monde en dehors des
USA.
Du côté de l'opinion publique américaine, s'il y a un an la majorité
était très opposée à une agression contre la Syrie, le soutien des
bombardements a doublé aujourd'hui: 71% sont favorables aux attaques
contre l'EI sur le territoire irakien et 65% approuvent ces attaques sur
le sol syrien…
Mais on n'entend absolument rien sur la souveraineté et le droit international. Enfin, il y a bien une publication amusante dans le New York Times.
C'est un genre à part – l'art du dialogue, le summum de la médisance de
deux intellectuels. Ils commencent par une discussion sur Charles
Dickens avant de passer à Obama en soupirant, et l'un des interlocuteurs
lance: "Le plus difficile consiste à expliquer au peuple américain ce
qu'est le système international. Vous le voyez ou le ressentez à peine.
Bien qu'il crée un "fond subconscient de conduite pour tous, pour les
bons et pour les mauvais gars".
Qu'on se le dise: il n'y a plus de "droit international" ni de droit
tout court. Ni de règles de conduite. La prochaine fois que quelqu'un en
parle, il ne restera qu'à en rire ensemble et discuter de Dickens.
LE WERWOLF
RIA Novosti :: Lien
Repéré par : Le Vieux Loup
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